Source: Le Figaro
Une négociation quelque peu passée inaperçue est en cours à l’ONU à propos de la gestion des océans. Les sept signataires de cette tribune attirent l’attention sur un rendez-vous international crucial pour l’avenir des nombreux écosystèmes marins menacés.Signataires:
André Abreu – Directeur des Politiques Internationales – Fondation Tara Expeditions
Françoise Gaill – Directeur de Recherche émérite CNRS BOREA
Eric Karsenti – Directeur de recherche émérite ENS-CNRS/EMBL
Chris Bowler – Directeur de Recherche au CNRS, Ecole Normale Supérieure et Paris Sciences et Lettres
Daniele Iudicone – Chercheur, Stazione Zoologica Anton Dohrn di Napoli
Gaby Gorsky – Directeur de Recherche émérite CNRS/UPMC
Romain Troublé – Directeur Exécutif – Fondation Tara Exeditions
Même pour les écolos les plus familiers du jargon «onusien», le titre de la négociation en cours à l’ONU sur la Haute Mer reste assez barbare: «Conférence préparatoire pour le développement d’un instrument international contraignant pour la conservation et la gestion durable de la biodiversité marine au-delà des zones sous juridiction nationale». Si l’on compare le silence autour de cet événement avec l’effervescence qui avait accompagné la COP21, le contraste est saisissant. En effet, combien de Français et d’Européens savent aujourd’hui que la Haute Mer – l’ensemble de l’espace maritime au-delà de 200 miles des côtes, la moitié de surface de la planète ne dispose d’aucun outil de gestion internationale pour protéger sa biodiversité? Et qu’une conférence internationale majeure est en cours de définition pour combler cette lacune?
Malgré son aspect technique et juridique, cette négociation internationale constitue sans doute le rendez-vous le plus important pour l’Océan depuis l’entrée en vigueur de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, en novembre 1994. Car il s’agit de définir les règles qui permettront de gérer durablement et de conserver la biodiversité marine en Haute Mer, un écosystème en grande partie inconnu, qui constitue sans doute la base de la vie planétaire et ses origines.
Au cours des dernières années, études et rapports scientifiques se sont multipliés pour tirer la sonnette d’alarme: il y a urgence pour l’océan aujourd’hui. Car les impacts cumulés du changement climatique – réchauffement, acidification, désoxygénation -, associés aux pollutions d’origine humaine, se révèlent encore plus importants qu’on ne le croyait pour l’ensemble de l’océan. Le «Grand Bleu», rappelons-le, produit l’oxygène que nous respirons, absorbe près de 90% de la chaleur, 25% du carbone présent dans l’atmosphère et joue un rôle majeur dans l’alimentation de la population mondiale. Mais tous ces «services» rendus par l’océan et ses écosystèmes sont loin d’être éternels, surtout si nous continuons de le polluer, de trop pêcher, et de rejeter autant de CO2 dans l’atmosphère.
Au cœur des négociations sur la protection de la Haute Mer, la définition et la gestion des aires marines protégées. Celles-ci sont aujourd’hui largement reconnues par la communauté internationale en tant qu’outil majeur pour la conservation de la biodiversité. Elles aident notamment à ralentir les impacts du changement climatique sur l’océan tout en offrant à la biodiversité la capacité à mieux résister au stress supplémentaire qu’il implique. C’est pourquoi la création d’un réseau d’aires marines protégées en Haute Mer serait décisive pour préserver et maintenir les écosystèmes de la Haute Mer. Cette conférence aura donc la lourde tâche d’en clarifier, négocier et définir les aspects scientifiques, techniques, politiques et juridiques.
Cover photo by David Fleetham /AFP